02 juillet 2006

Invitation au voyage de l'autre côté d'Ararat...


Le film de Robert Guédiguian "Le voyage en Arménie" est une pure merveille et profondément bouleversant.Un film chargé de contraste, d’espoir, d’amour, d’émotion intense. Avec des personnages simples mais puissant à la fois, le film relate la réalité quotidienne de la vie en Arménie.... La fin du film est grandiose ! quel personnage ce Roman Avinian, le vieux chauffeur, si majestueux dans sa barbe et ses cheveux blancs. Son espoir : revoir l’Ararat revenir en Arménie, car "il ne représente rien pour les Turcs"...
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Un film de Robert Guédiguian avec Ariane Ascaride, Gérard Meylan, Simon Abkarian (Molière pour Une bête sur la lune), Jalil Lespert, Jean-Pierre Darroussin, Marcel Bluwal...
Sortie en salles le 28 Juin 2006
Synopsis
Se sachant gravement malade, Barsam souhaite retourner sur la terre qui l'a vu naître. Il souhaite également léguer quelque chose à sa fille Anna : il voudrait lui apprendre le doute. Lorsqu'il s'enfuit en Arménie, il prend soin de laisser de nombreux indices pour qu'Anna puisse le rejoindre. Ce voyage obligé dans ce pays inconnu deviendra pour elle ce que Barsam voulait qu'il soit : un voyage initiatique, une éducation sentimentale, une nouvelle adolescence... C'est dans un petit village perdu dans les hautes montagnes du Causase qu'elle le retrouvera, assis à rêver sous un abricotier en fleur... Sur son identité, sur ses amours, sur ses engagements, Anna doutera...
Critique ! critiquons ! critiquez...
C'est un voyage à part que nous propose Robert Guédiguian, sur les traces d'un passé fantôme. Ses origines arméniennes, ancrées au-delà du vécu, sur une terre qu'il n'a jamais connue. Exit l'Estaque et l'accent ensoleillé de Marseille, pour les contreforts du Mont Ararat, cette montagne symbole, que les Turcs ont confisquée aux descendants de Noé et des premiers chrétiens qui peuplèrent les hauts plateaux du Caucase. L'Arménie résonne comme un mot magique, pourtant entaché du rouge sang des martyrs du génocide de 1915, et des couleurs pâlies d'un communisme révolu, à défaut d'avoir été révolutionnaire. Ariane Ascaride sert d'éclaireuse (une sorte de fil d'Ariane !) à ce retour aux sources dénué de toute revendication identitaire. Contrairement à un cinéaste comme Atom Egoyan (Ararat), qui se sent profondément arménien, Guédiguian part à la découverte d'un pays étranger, dont il n'a conservé que la consonance du nom. Il procède ainsi à un portrait par touches, tout en effleurements, de ce que pourrait être la culture arménienne. Son héroïne ne va pas vers la certitude, vers l'affirmation, mais au contraire vers le doute et la découverte d'un autre soi…Le film décline, comme un carnet de voyage, les aventures du quotidien d'Anna, partie chercher son père et rencontrer ses racines. De hall d'hôtel en salon de coiffure, des rues bondées de la ville au silence religieux des églises ottomanes, elle fait la connaissance d'un peuple qui lui ressemble, qui est prêt à l'aimer, pour peu qu'elle fasse l'effort de le comprendre et de compatir à sa douleur. La belle Schaké, qui arrondit ses fins de mois en dansant nue dans une discothèque, et rêve d'une nouvelle vie à Paris ; Yervanth le roublard, qui ferme les yeux sur le trafic lucratif de médicaments, dans un pays où la couverture sociale n'existe pas, et où les soins sont réservés aux riches ; Sarkis Arabian, le diplomate pas tout à fait clair sur ses relations. Chacun de ces personnages incarne une petite part de l'Arménie d'aujourd'hui, pauvre et joyeuse, dangereuse et pleine d'espoir. Le parcours s'effectue sur le mode de l'imprégnation, Anna devenant peu à peu cette "Française d'Arménie" qu'elle n'avait jamais voulu être, cette fille de là-bas, plongée dans le chaos du flou identitaire, face à la mosaïque composite que constituent les différents visages d'une même société. Esthétiquement parlant, Guédiguian reste fidèle à son style : beaucoup de travellings, un regard à la fois sensible et évanescent sur des choses qui se dérobent à leur matérialité pour verser dans le champ du ressenti. Là où il pêche légèrement – si pêché il y a ! – c'est dans le mélange des genres, un peu éclectique pour former un tout homogène : film d'initiation, comédie, drame sentimental et…mauvais polar ! C'est sur ce dernier point que la réalisation échoppe quelque peu : on ne croit guère à cette histoire de gros bras voulant régler son compte à la petite française trop curieuse de leurs bonnes œuvres. Mais fermons les yeux sur ce final abracadabrant, pour conserver l'image (et la musique), émotionnelement forte, d'un beau voyage au cœur de l'âme arménienne.

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